Divagation

Les enfants jouent encore dans la rue. Un chat en boule dans le jardin. Très loin, une musique entêtante. Des bravos et des rires. Le ballon claque sur le mur, menace ma fenêtre. Il fait jour, semble-t-il. Je ne laisse que cinq centimètres d'ouverture. Le volet fermé. Je me laisse bercer de cette couleur parfaite d'une journée d'été à éviter la chaleur. Dehors, les enfants crient, le chat ronfle, la musique s'affole. Dedans, sur un lit défait, moite et froissé, la fumée me pique les yeux, danse avec les ombres du soleil brûlant. Tout s'éloigne, de ma bulle imparfaite. Aucune fêlure. Des bosses, des vagues, des tourments qui balancent de tous côtés. Et mes larmes coulent. Gorge serrée et cœur lourd. Pour qui. Pour quoi. Pour rien. Du vent. De l'inexistant. Du rêve. Du rêve. Et rien que du rêve. Des tornades de rêves. Je pleure un monde inventé. Un film dramatique. Sans images, sans sons, mais une ambiance rassurante qui suffit à peiner mon âme, sans poser une larme de souffrance dans mes pleurs. Du tragique, de l'infidélité, de la violence. Je crée un monde sombre, dangereux et passionné. Où il ne faudrait pas y mettre un pied. Il défile, écrit son histoire devant mes yeux aveugles, fascinés et remplis d'envie. Ils se font mal, dans un décor de trahisons, de douleurs, de jalousies et de fatalités. Sans mensonges. Mais avec de l'amour. Inconditionnel. Impossible. Un monde, un autre temps, des personnages qui s'animent, une nostalgie étrange, et je ne contrôle plus rien, je me laisse prendre et raconter cette histoire. Comme ça, épisode par épisode, pioché au hasard, sans chronologie, un bordel cohérent. Vous pleurez au cinéma ? Moi, tout le temps, et mon cinéma est dans ma tête, mon coeur, mon ventre. Dès que je suis seule, dès que le calme m'entoure, mes larmes coulent. Jamais pour la réalité, elles se réservent pour l'inventé. Pour un monde. Pas plus beau mais plus vrai. Et toujours plus vrai lorsqu'il s'enroule entre mes doigts...

Bande-son : I Gotta Feeling - Black Eyed Peas