> Home > Liens > Profil

5 octobre 2009

Si tard

Je devais être à plus d'une heure passée, gaspillée, à espionner les bruits lointains, à la recherche d'une lueur d'espoir, d'une résonance familière qui me calmerait. Je calculais, pronostiquais, faisais les comptes de l'incompréhensible réalité qui s'avançait dans la nuit, se rapprochait d'une conclusion brutale et douloureuse. Je vérifiais le téléphone, mes messages, les phares qui apparaissaient et disparaissaient entre les deux toits. C'est l'inconvénient de la campagne : le noir est noir, le silence est le silence. C'est un monde où le doute n'existe pas, où les faux espoirs se succèdent dans un souffle vague et lointain, si reculé qu'il ne peut être réel. On sait que c'est faux avant même qu'il ne soit là. On interroge et le rien, le vide et le néant nous répondent. Il faisait froid et j'avais la peau glacée. Ma fenêtre restera pourtant ouverte toute la nuit, ne laissant ainsi aucun obstacle entre moi et l'extérieur. Bien que trop fraîche, la légère bise qui me caressait le visage devenait une bénédiction, me maintenant éveillée alors que ma tête commençait à tourner dangereusement. J'implorais pourtant le sommeil de me prendre et de m'emmener loin de ce monde, de ce lit dans lequel la peur grandissait au rythme insupportable du caquet des canards.

Je tombe.

Je me suis couchée plus tôt qu'à l'habitude. Il fallait dormir, rapprocher demain comme le jour où tout va bien ou tout va mal. Il fallait dormir pour laisser s'évanouir cette peur qui gonflait et empêchait ce putain de sommeil de venir. Je me suis levée trois fois, de plus en plus chancelante. Soit un voile de fumée dans l'obscurité de la chambre, de six cigarettes et autant de cachets. A quoi bon, me suis-je dit. Je pouvais très bien faire attention à mes diverses consommations. A cet instant, les yeux rivés entre les feuilles des arbres qui m'offraient quelques bouts de la route, à quoi bon faire attention quand on sent, quand on pressent que son monde s'écroule. Je peux bien mourir cette nuit. J'ai pensé : espérons que je meure cette nuit. Il était beaucoup trop tard, l'espoir diminuait, ma vision se brouillait, la nausée était montée. Malgré les paupières lourdes, la fatigue prenante, mes yeux pouvaient bien être fermés, ils tremblaient d'influences variées. J'ai ressassé, regretté et juré, afin peut-être de retourner le destin. J'ai entamé un dialogue avec Dieu. M'écoutait-il, je ne pense pas, mais ça m'occupait. Je me tourne toujours vers Lui quand je vais mal, quel intérêt sinon. Il n'y a que la peur qui m'a répondu : Tu voulais te la jouer pessimiste, sombre, dépressive ? Je vais t'en donner une raison.

Je m'enfonce.

L'avant-veille, devant le miroir, j'avais piqué une colère. J'ai insulté, répété encore et encore un discours haineux que j'aimerais pouvoir un jour lui claquer à la face. J'ai regretté et juré que je deviendrai gentille. Lorsque j'ai entendu ce bruit que j'attendais, lentement dans la rue, je me suis levée d'un bond, ai jeté un œil discret, puis après avoir eu confirmation, je me suis recouchée et fait semblant de dormir. Je commençais à me calmer, écoutant la mélodie délicate de la vie qui revenait, qui tournait la clé dans la serrure, ouvrait les portes, les refermait, s'allongeait près de moi et commençait à ronfler. La fatigue m'avait définitivement quittée pour laisser place à l'étourdissement d'une nuit à risque. J'ai alors pris conscience de la dose exagérée que j'ai avalée. J'allais partir dans le doute de ma survie. Mon visage me démangeait, je me suis mise à gratter, frotter de toute mes forces jusqu'à ce que ma peau brûle et semble tomber en lambeaux. La peur s'accrochait toujours, fermement, et les larmes qui n'avaient pas encore coulé, ont roulé doucement sur mes joues, inondant mes oreilles et mouillant l'oreiller, formant une tâche humide et salée sur laquelle je me suis tournée pour calmer le chaud de mon visage et l'angoisse qui persistait. J'ai posé Tupac sur mon ventre, j'ai su que je ne me calmerais pas, que mon inquiétude se prolongerait jusqu'à ce que le soleil se lève, je suis alors tombée dans un repos perturbé, entrecoupé des spasmes de mes muscles, contrôlé par le mal le plus douloureux et coriace qui existe sur cette planète : la peur.

« Ne rentre pas si tard ! »

Bande-son : The Crystal Ship - The Doors
Site Meter