« Tu sais ce que c'est, une lettre d'amour ?
C'est une putain de balle en pleine tête, connard !
Tu reçois une lettre d'amour de moi, tu l'as dans le cul pour l'éternité. »
Blue Velvet
« Dans trois minutes il est minuit !
« Et alors ? Tu veux qu'on s'claque la bise ou quoi ?
Je me l'étais promis quand je vivais ces temps où tu n'étais pas encore là. Tout mon corps vibrait et se torturait d'impatience tellement il savait qu'un jour tu le toucherais, qu'un jour il t'appartiendrait. Dans l'attente, ma partie raisonnable se méfiait de l'idéal dans lequel peu à peu je t'enfermais. Mon esprit qui ne pouvait s'empêcher de rêver peignait le monde qui ne pouvait alors plus qu'être parfait parce que tu y étais. Je me conseillais de revoir mes envies à la baisse, d'imaginer des épisodes plus sombres, moins sucrés. Je m'avertissais de la chute inévitable qu'entraîne le retour à la réalité. Dans mes rêves, dans tes bras, je me sentais belle et heureuse, malgré ta brutalité, ta bêtise et ta distance. Tu pouvais tout faire, rien n'aurait pu entacher ces sensations chaudes qui me transportaient quand les paupières baissées m'emportaient loin de la vie, tout près de toi. Le temps s'est ralenti jusqu'au moment où ta main m'a effleuré le visage, et tes lèvres contre les miennes, je savais que tu n'existerais jamais comme il le faudrait.
J'avais promis. Quand tout se serait réalisé, je t'avouerais. Je te raconterais les détours par lesquels je me suis perdue, ces successions de tourbillons dans lesquels je tombais, ces incompréhensions qui me semblaient les seules solutions, les incohérences que j'accumulais. J'ai prié anges et démons pour m'immiscer dans ton esprit, t'amener vers moi, te faire tomber à mes pieds. J'ai passé des nuits le nez collé à la fenêtre à chercher l'étoile qui réaliserait mon vœu. Je te cherchais, tu comprends, j'inventais, créais, divaguais, pour espérer me trouver sur ton chemin, pour provoquer notre rencontre, pour attirer ton regard et appeler tes mots. J'ai fait semblant pour ne pas te faire peur. Mais je te connaissais depuis si longtemps, et trop longtemps je te suis restée une inconnue. J'avais deviné ton nom, j'avais prédit l'odeur de ta peau et la texture de tes cheveux. Je connaissais la profondeur de tes yeux et la douceur molle de tes mains. Si nous sommes ensemble, c'est parce que je le voulais.
Et maintenant que le rêve s'est matérialisé, je te découvre chaque jour comme mes doutes me l'avaient supposé. Tu pourras bien être la dernière des merdes, je voulais être à tes côtés et malgré les différences que tu tisses entre toi et mon toi, tu ne te détacheras jamais de l'image qui ressurgit lorsque je m'endors. Je te façonne comme tu dois être, les mots et les gestes qui se déroulent dans le jour s'effaceront quand dans la nuit je te fais me prendre dans tes bras pour me dire ces mots bien trop élevés pour toi. Je réécrirai tes paroles, redessinerai tes expressions et redirigerai tes gestes. Je t'aimerai pour toujours car pour toujours je ne te laisserai jamais détruire l'image que l'attente de toi m'a obligée à composer. Tu seras mon chef-d'œuvre, mon ultime caprice. La victoire du rêve sur la réalité.
Si nous vivions dans un film, tu m'aurais souri.
Dans trois minutes, tu me souriras.
Et demain je pourrais continuer à t'aimer.
Bande-son : Soul Love – David Bowie