D'abord, il y a Thomas. 21 ans, célibataire, sans enfant. Étudiant, je le retrouve trois jours par semaine un rang devant moi. Son dos n'a rien d'exceptionnel mais sa nuque me donne envie de le mordre et plus encore quand il se lève. Il n'a pas d'ambition particulière, l'air nonchalant, il ne bavarde pas et parle en phrases courtes mais pertinentes. Sa culture semble couvrir plusieurs décennies. Il connaît Sheila et déteste Avatar. Toujours en retard, il se fait discret sans s'effacer. Il sent la clope et le bébé. Un peu ailleurs, il a oublié de me tenir la porte que je me suis prise dans la gueule. Jamais seul, il a mis plus de dix minutes avant de s'apercevoir que je m'adressais à lui. Il m'a souri, j'ai rangé ma fierté. Je pense bien me souvenir que quelqu'un l'a appelé Thomas.
Ensuite, il y a Cédric. 30 ans, célibataire, sans enfant. Chômeur, il ne cherche pas de travail. Il vit toujours chez sa mère, se lève à 14 heures et... c'est tout. Je le soupçonne de mal parler et de ne pas connaître Zola. Mais de connaître Bob Marley et ça me suffit. Sans transition, il fume beaucoup et de tout. Parfois, je l'aperçois, toujours au loin, au travers d'une vitrine ou à bord de ma voiture, et toujours à heures fixes. Il est celui que je croise et qui ne me croise jamais. Si la nuit hivernale est déjà tombée, je pourrais l'admirer lorsqu'il s'achète son pack de bières, il boit beaucoup aussi. Il est grand, juste comme il faut, se déplace à un rythme régulier, je ne vois que ses yeux, c'est un homme caché. Je peux aussi me tromper mais il a des yeux à s'appeler Cédric.
Enfin, il y a Franck. 39 ans, célibataire, sans enfant. Il travaille. Dans quoi, je ne sais pas, ça ne m'intéresse pas. Il porte des costumes et déteste les animaux, en dehors des chats et des poissons. Il m'invite au restaurant et se sait intelligent. Près de lui, si je passe pour une merde, il est content. En réalité, il est surtout prétentieux et évite tous les sujets qu'il ne connaît pas. On discute donc d'informatique et de comédies musicales. Il bavarde comme une gonzesse et rit comme une fillette de douze ans. Il parle fort et pour au moins deux. Il veut toujours rendre service et fayotte au patron. Poli et très bien élevé, les femmes l'adorent parce qu'il est gentil. Au lit, il est mou et fainéant. Son ex m'avait dit qu'il était tendre. Avec un prénom pareil, je n'ai pas pu l'inventer.
Bande-son : You Really Got Style - Gush