Le froid me pinçait les joues lorsque je m'approchais de la porte ; il m'a semblé agréable une fois dehors. La rue était déserte. Comme souvent.
Je ne sais d'où il est sorti mais un homme, bien trop âgé pour être encore vivant, m'a demandé du feu.
En lui tendant mon briquet, je l'ai imaginé descendant d'un nuage ou sortant du bitume dans une fumée bleue ou lâché du bec d'une mouette.
Atterri devant moi, il tarde à prendre le briquet et me souhaite une bonne année, d'une manière bien plus polie et développée que je la retranscris ici mais ma mémoire me joue des tours ces derniers jours.
Il me demande ce qu'il peut me souhaiter. Avant que je ne puisse lui répondre, il s'extasie devant le bateau, éternellement présent à l'autre bout de la rue.
« Vous rendez-vous compte de la chance que vous avez ?, me dit-il.
Je ne suis pas certaine qu'il m'écoutait réellement, je lui réponds qu'on a l'habitude ici.
La beauté devient terne lorsqu'elle tombe dans l'habitude.
Il acquiesce en répétant comme un écho le mot 'chance' qui m'apparût alors comme le thème du jour.
« Qu'est-ce que je peux vous souhaiter pour cette nouvelle année ?
« Tout, je lui dis.
Il sourit.
« La jeunesse veut toujours tout, mais il faut faire des choix.
J'ai d'abord pensé au Père-Noël, puis à la voix de la sagesse ou une bonne fée mal déguisée ou un philosophe un peu niais. Ce type sortait vraiment de nulle part.
Une vision peut-être, une ultime hallucination.
Il me remercie alors et me dit de garder « votre jeunesse ».
En réalité, il a dit « votre génie ». Il a certainement dérapé mais ça m'a amusée.
Alors qu'il s'éloignait, je suis tombée sur mon reflet dans la vitre et c'est vrai que j'ai du génie.
Mais surtout, c'est que je n'ai aucun choix à faire puisque cette année, j'aurai tout.
TOUT !!!