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10 décembre 2009

À pied

Un lundi matin, en rentrant du marché, le long du chemin sinueux et désert, je m'étais dit que ce serait une bonne idée de reprendre des vieilles habitudes, retrouver la gare et ne plus passer les feux orange et insulter les autres usagers de la route. Quelques jours plus tard, la voiture décède, j'affronte le froid et la pluie, ça me semble légèrement moins drôle maintenant qu'un gros rhume me menace. À l'époque, je ne portais pas huit à dix centimètres de talons pour presser le pas et courir choper le train qui, à présent me semble-t-il, a élevé sa marche d'environ un mètre et s'amuse à attendre dans la voie la plus éloignée. Les deux genoux morts, les cuisses et les mollets durs comme de la pierre, je fais migraine sur migraine. Près des bus, je me rappelle que demain, j'ai un examen... un faux, pas obligatoire, je pourrais aussi ne pas y aller que ça ne changerait absolument rien... un truc inutile mais qui pourrait m'être utile mais que sans c'est pas très grave... et ma confiance me fait une chute vertigineuse au ralenti. Je m'emmêle dans les cordons de la file d'attente, puis dans la laisse du chien de la petite vieille. « Un aller... « Un cinquante... « Tarif normal... « Deux euros alors... Je me prends les courants d'air dans la nuque et ne peux m'empêcher de fixer cette fille énorme, la bouche ouverte et ses grands yeux ronds grossis par ses lunettes à cinq centimètres de son manga. Devant moi, je devine que c'est un prof, je pense à celui que j'ai l'intention de me faire au prochain semestre, aux premières heures du printemps ou peut-être même avant. Derrière, les deux qui, bien que le train ne parte pas avant encore quinze minutes, ont bousculé tout le monde (sauf moi, bien sûr) et m'irritent les tympans avec leurs 'malgré que' (1), 'si j'aurais' et leurs 'hein' (2). Je sors mon travail fait en BU, esclave des horaires de la SNCF, contrainte et forcée de squatter cet endroit froid, trois feuilles, trois heures pour écrire trois pages, je me trouve lamentable. À la montée, dans et à la sortie du train, tout le monde me reluque, l'air de se demander ce que je fous là. Ce fameux lundi, j'avais eu cette envie pour une raison précise. Tout devait être une question de probabilité, l'opportunité d'augmenter mes chances. J'aime marcher dans le noir mais tout ça ne sert à rien. Je me ruine, pour rien... J'ai un corps qui agonise et que dalle...

1 Puisque tout le monde s'accorde pour dire que cette merde va passer, faîtes-le au moins suivre du subjonctif.

2 T'as vu ce film débile sur ch'nord ?

Bande-son : T.L. - Micky Green
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